La bienveillance est-elle soluble dans le sport ?

Articles

Dans le sport comme en entreprise, la bienveillance n'est pas l'apanage des faibles mais plutôt un vecteur de performance collective.

Il y a peu, en allant chercher ma fille au judo, j’assiste à une scène en apparence anodine et pourtant… pas tant que cela.

A la fin de la séance, une maman demande à la prof de judo comment se passent les cours pour son fils, qui semble avoir un trouble de l’attention.

L’enseignante lui répond légèrement goguenarde : « On n’en fera jamais un champion, hein ! »

Je vois le garçonnet se serrer un peu plus fort contre sa maman et la maman rougir légèrement, sans trouver la réponse appropriée.

Et voilà que cette scène me replonge dans un lointain souvenir d’enfance.

Je suis au collège, je dois avoir 12 ou 13 ans. Je ne me connais pas d’aptitude sportive particulière et le prof de sport m’encourage bien dans cette croyance.

Je participe au cross annuel du collège. Comme je me sens à l’aise en courant, je commence à dépasser un bon nombre de camarades, alors que j’étais parti dans les derniers, n’ayant ni attente particulière ni espoir.

A l’arrivée, je me classe 25ème.

Les profs de sport nous avaient annoncé qu’ils prendraient les 25 premiers pour représenter le collège à une épreuve départementale.

Je défile donc devant la table où siège le prof qui recense les élèves dans l’ordre d’arrivée.

Il inscrit le 24ème sur sa liste puis arrive mon tour.

Il me demande mon nom sans lever la tête, je le lui donne, il s’apprête à l’écrire, suspend son geste, me regarde et dit :  » Ah c’est toi… Non mais c’est bon en fait, on a assez de monde. »

Et donc ne me compte pas dans le contingent des élèves qui seront entraînés dans la perspective de représenter le collège dans les épreuves suivantes.

Je reste là, interloqué et un peu pitoyable mais je ne dis rien car je considère qu’il m’a remis à ma juste place de sportif insignifiant. Et que je n’aurais jamais dû laisser impudemment monter en moi un espoir aussi soudain que naïf, suscité par ce résultat inattendu mais sûrement immérité.

Pendant des années, je n’ai plus accordé d’intérêt particulier à l’athlétisme.

—————————————————–

La bienveillance, mise à l’honneur ces derniers temps dans le monde professionnel, mais également galvaudée, devrait être appliquée par ceux qui ont en charge l’éducation de nos enfants. Heureusement, c’est le cas bien souvent. Mais le monde du sport semble étrangement rester à l’écart du mouvement.

La bienveillance, ce n’est pas de considérer que tout le monde est au même niveau, de se comporter avec une gentillesse extrême, de ne pas sanctionner les comportements inappropriés. C’est de partir d’un apriori positif et de donner sa chance à tout le monde.

 

Le sport de haut-niveau est un monde élitiste certes mais pas le sport à l’école. Et c’est bien en donnant le goût du sport au plus grand nombre qu’on associera plaisir et pratique sportive, qu’on fera peut-être émerger des talents qu’on n’aurait pas vus et surtout qu’on permettra à la majorité d’intégrer le sport dans leur vie au lieu de les en dégoûter.

Avec tous les bénéfices que cela aura pour leur santé et la sécurité sociale.

Il en est de même en entreprise : tous les salariés n’ont pas vocation à être des leaders, des « super performers » mais la réussite d’une entreprise vient de la complémentarité de ses talents et de leur capacité à travailler en équipe.

Considérer et traiter ses collaborateurs avec bienveillance, c’est donc permettre à chacun d’exprimer au mieux ses talents pour le plus grand bénéfice de l’entreprise. C’est les tirer vers leur haut afin de les amener à se dépasser pour que chacun devienne « la meilleure version de lui-même », sans exclure personne.

Tous ne seront pas des Usain Bolt mais une entreprise n’a pas besoin d’avoir 100% de Usain Bolt, ce serait même contre-productif.

———————————————–

L’année dernière, je me suis remis à la piscine après une longue abstention. J’ai toujours été un piètre nageur. Mon souvenir de mes profs de piscine, c’était un peu le Philippe Lucas de cette vidéo :

https://youtu.be/NPP-5XRxVvE

Un jour, je confie à mon prof que j’ai l’impression d’être le plus nul du groupe, de ne pas progresser et que je me demande si je ne devrais pas me mettre à la couture.

Un Philippe Lucas m’aurait sûrement dit quelque chose comme : « T’as raison gros naze, tire-toi de ma piscine, j’veux pas de pleureuse ici. » Et c’est sûrement ce que j’aurais fait, peut-être après quelques protestations quant à l’absence de forme pour exprimer son jugement.

Yann, notre coach, lui m’a dit que de ce qu’il observait, j’étais loin d’être le plus mauvais et que d’après son expérience, la progression qu’il observait chez moi lui laissait entrevoir que j’avais une forte marge de progression que j’arriverais à exprimer si je m’accrochais.

Je vous laisse juger de la différence d’effet.

J’en profite pour lui rendre hommage car il part à la retraite cette année et je crois que c’est le meilleur coach de natation que j’aie jamais eu. Je ne sais pas s’il connaît son talent.

——————————-

Bien sûr, dans le sport ou dans l’entreprise, il faut être exigeant. On se doit d’exiger de la performance. Mais celle-ci n’est pas exclusive de la bienveillance. Pour atteindre cette performance, une bienveillance sincère et bien dosée vaut mieux pour la construction d’un enfant comme d’un salarié que le mépris ou les brimades.

Aujourd’hui, je cours régulièrement des marathons, en y prenant du plaisir. Disons que je fais un coureur honnête. Mais je ne peux m’empêcher de penser parfois, que si j’avais eu un prof de sport bienveillant, j’aurais peut-être pris du plaisir à m’entraîner assidûment à la course à pied étant enfant et que j’aurais aujourd’hui un bien meilleur niveau.

Conclusion

La fois d’après, au judo, je suis allé voir cette maman alors qu’elle déposait son garçon. Je lui ai dit que personne n’avait le droit de dire à son fils qu’il ne serait pas un champion et que s’il en avait envie, il pourrait en devenir un, il suffisait qu’il s’accroche. Elle m’a juste dit « merci ». Et elle a souri. Son fils aussi, en me regardant de ses grands yeux, avant de filer sur le tatami.

——————————-

Vincent Mussard est le co-fondateur de Coach Me Happy.

Coach Me Happy propose l’organisation de séminaires, des ateliers QVT et du sport en entreprise, bienveillant et pour tous. Regardez notre vidéo du Team Booster.

Et pour recevoir notre newsletter sur le bien-être en entreprise, inscrivez-vous ici.

Vous souhaitez améliorer la Qualité de Vie dans votre entreprise ? Faites nous part de votre projet, nous vous répondons au plus vite :

Recevez notre newsletter